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Libre circulation - Page 2

  • Libre circulation des étudiants français en Belgique, la Commission européenne à la rescousse

    A l’automne dernier, j’expliquais sur ce blog comment la Belgique (plus exactement le Gouvernement de  la communauté francophone  de Belgique) avait restreint l’accès des étudiants étrangers aux études supérieures dans certaines spécialités médicales, ce qui provoquait un tollé côté français, les étudiants de l’hexagone étant au premier chef concernés par ces restrictions.

     

     

    Le décret belge semblait peu compatible avec les règles communautaires de libre circulation. C’est pourquoi des étudiants français avaient saisi la Commission européenne pour se plaindre de cette mesure jugée discriminatoire, avec, me semblait-il, de bonnes chances d’être entendus, car la Cour de justice des Communautés européennes a déjà censuré des cas de discrimination semblables.

     

     

    Eh bien, voila un premier round remporté :  la Commission européenne vient d’annoncer aujourd’hui même,

    l’ouverture d’une procédure pour infraction au droit communautaire et envoyé une lettre de mise en demeure à la Belgique qui dispose à présent de deux mois pour tenter de justifier les mesures prises.

     

    La lettre de mise en demeure  n’étant que la première étape de la procédure (1), il serait prématuré de préjuger de la suite. Mais on peut rappeler qu’une précédente législation belge avait été condamnée en 2004 par la Cour de justice des Communautés européennes et que la Belgique n’avait d’ailleurs pas attendu cet arrêt pour abolir les dispositions discriminatoires en cause. Il est donc possible que le scénario se reproduise à l’identique. Le décret Simonet passerait alors à la trappe comme son prédécesseur...

     

    De l'intérêt de savoir utiliser le droit communautaire...même si on envisage des études médicales!

     

    Domaguil

     

     

    1-La dernière étant la saisine de la Cour de justice des Communautés européennes pour qu'elle sanctionne l'infraction au droit communautaire si celle-ci a persisté

     

     

  • Accord au Conseil pour suspendre partiellement les négociations avec la Turquie

    Le Conseil des ministres de l’Union européenne a décidé, hier, 11/12, de suspendre partiellement les négociations d’adhésion avec la Turquie suivant ainsi la recommandation présentée par  la Commission le 29/11. Il s’agit de la réponse de l’Union européenne au refus de la Turquie d’appliquer le principe de libre circulation aux avions et bateaux chypriotes, contrairement à l’engagement qu’elle avait pris l’an dernier dans le protocole additionnel à l’accord d’union douanière (dit protocole d’Ankara).

     

     

    La suspension concerne les chapitres des négociations portant sur des matières concernées par les restrictions imposées par la Turquie touchant la République de Chypre :  chapitre 1: libre circulation des marchandises; chapitre 3: droit d’établissement et libre prestation de services; chapitre 9: services financiers; chapitre 11: agriculture et développement rural; chapitre 13: pêche; chapitre 14: politique des transports; chapitre 29: union douanière et chapitre 30: relations extérieures. Les négociations dans ces domaines ne reprendront pas tant que la Turquie refusera l‘accès des ses ports et le survol de son territoire à Chypre. De plus, aucun chapitre en négociation ne devra  être provisoirement clôturé avant que la Commission européenne n’ait vérifié que la Turquie respecte pleinement ses engagements.

     

     

    Les états ont préféré ne pas prolonger l’attente et régler un dossier qui, si aucune décision n’avait été prise,  risquait d’empoisonner le prochain Conseil européen des 14 et 15 décembre dont le programme est particulièrement copieux (stratégie future d’élargissement, politique d’immigration, innovation, énergie et changement climatique, relations extérieures, sans compter un débat sur le traité constitutionnel et le futur de l’Europe). Bref, un sommet très attendu et au cours duquel l’étalage de divergences sur la candidature turque aurait été de plus mauvais effet. D’où la décision d’hier qui suit la recommandation en demi teinte de la Commission (ni gel total des négociations ni poursuite à l’identique), recommandation inspirée par le souci de concilier deux objectifs : ne pas se déjuger en ignorant les manquements de la Turquie à ses engagements vis à vis d’un état membre, et d’autre part, éviter une crise de grande ampleur qui aurait résulté de mesures de rétorsion plus importantes.

     

     

    La Turquie avait essayé d’éviter cette décision en proposant, le 7 décembre, d'ouvrir un de ses ports et un de ses aéroports aux bateaux et aux avions de la République de Chypre, ce qui aurait pu diviser les états sur la conduite à tenir (certains comme le Royaume-Uni et l’Italie étant partisans de faire preuve de « souplesse », d’autres comme l’Autriche, la Finlande, la France, la Grèce et bien sûr, Chypre, plaidant pour le respect intégral par la Turquie du protocole d’Ankara). En définitive, la proposition (manoeuvre ?) de dernière minute du gouvernement turc n’a pas convaincu les 25 dont la décision montre la volonté de faire taire leurs dissensions.

     

     

    Le communiqué du Conseil prend soin de préciser que le processus d’élargissement lui-même n’est pas remis en cause. La balle est dans le camp de la Turquie à présent. Mais comment vont réagir les nationalistes turcs face à ce qu’il considèrent comme un camouflet de l’Union européenne ? La position du gouvernement risque d’être fragilisé par cet incident diplomatique puisque la concession prudente qu’il avait faite a été repoussée, ce qui sera sans doute vu comme une humiliation supplémentaire par les opposants turcs à l’adhésion à l’Union européenne.

    Domaguil   

  • Pas de libre circulation pour les étudiants français en Belgique(I)

    Suite du feuilleton « la Belgique arrête l’envahisseur gaulois ».  Alléchés par les affirmations de la Commission européenne : « étudier partout en Europe c’est votre droit »,  « libre circulation dans toute l’Union » , etc…de nombreux étudiants français se sont inscrits dans les universités belges (francophones)  apparemment plus accueillantes que les françaises dans certaines filières (absence de concours d'entrée et frais d’inscriptions modiques). A tel point que c’est à une véritable invasion gauloise que se sont trouvées confrontées lesdites universités. Et là, le gouvernement de la Communauté francophone de Belgique a dit : stop, halte là, les français ne passeront pas. Et de publier un décret pour limiter le nombre d’étudiants non résidents (concrètement, le plus souvent, les étrangers, donc). Vengeance pour toutes les blagues belges qui circulent de ce côté ci de la frontière ? L’inspecteur Poirot enquête.

     

     

     

    Quant à la juriste que je suis, elle dit merci à nos voisins de lui fournir de quoi alimenter ce blog. Car si l’on se penche un instant sur cette histoire belge, force est de constater qu’elle pose quelques problèmes au regard du droit communautaire . Je rappelle pour ceux qui l’auraient oublié, notamment au Gouvernement belge, que la Belgique fait partie de l’Union européenne, et depuis 1957 encore. Mais apparemment en Belgique comme en France, et plus généralement dans les états membres à des degrés divers,  il arrive que les dirigeants fassent preuve de distraction à ce sujet. Jusqu’à ce que la Commission européenne et la Cour de Justice, en bonnes « mères fouettardes », tapent sur les doigts des étourdis qui, tout penauds, doivent remettre leurs législations d’équerre.

     

     

    Mais pourquoi la Communauté francophone belge se ferait-elle taper sur les doigts me direz-vous ? N’est-elle pas libre d’accueillir qui elle veut dans ses établissements supérieurs ? Eh bien non, si cela se traduit par une discrimination à l’encontre d’autres ressortissants de l’Union européenne. Sauf à avoir de bonnes raisons pour cela…

     

     

     

    Rappel des faits. Constatant que certaines filières d’enseignement supérieur telles que médecine, vétérinaire et kinésithérapie, sont littéralement prises d’assaut par les étudiants étrangers (français principalement) qui les occupent dans des proportions allant parfois jusqu’à 86%,  la ministre de l'enseignement supérieur de la Communauté francophone, Madame Simonet, présente en février une proposition pour limiter à 30% le nombre d’étudiants étrangers dans ces filières. Applaudissements des uns au nom de la défense des droits des résidents belges, cris des autres au nom de la défense de la mobilité et de la liberté de circulation. Pour le gouvernement, il ne s’agit pas de protectionnisme mais d’éviter une pénurie de spécialistes dans certaines professions (les diplômés français préfèrent exercer en France, les ingrats) (1). Passons sur les autres hypothèses avancées pour expliquer le coup de grisou  (et, par exemple, le fait que les belges en ont assez de payer pour les étudiants français), ce n’est pas l’objet de cette note.

     

     

     

    Le décret du 16 juin 2006 juin 2006  instaurant des quotas d’étudiants non-résidents a été attaqué par des étudiants français (et des enseignants) qui ont formé un recours en annulation assorti d’une demande de suspension devant la Cour d’arbitrage belge (cour constitutionnelle).

     

     

     

    La demande de suspension a été rejetée le 29/08, ce qui permet au décret d’entrer immédiatement en application. La sélection des étudiants non-résidents admis à étudier en Belgique se fera…par tirage au sort devant huissier, dans la limite du quota de 30% fixé par le décret.

     

     

    Mais la question de la légalité de celui-ci n’a pas été tranchée, puisque la demande en annulation n’a pas encore été examinée, la Cour s’étant simplement prononcée sur l’opportunité de suspendre ou non l’application du décret en attendant la décision au fond sur sa légalité.

     

     

     

    Or, le décret n’est pas sans défauts de ce point de vue, semble-t-il.

    (la suite demain: le billet étant trop long, je l'ai sectionné)

     

    Domaguil

     

     

    1-Grâce au principe de reconnaissance mutuelle des diplômes entre les différents états de l’Union européenne

     

     

     

     

     

  • Droit à l’allocation de chômage et condition de résidence

    Dans un arrêt du 18/07/2006, la Cour de Justice des Communautés européennes juge qu’un état peut refuser le maintien au droit à une allocation de chômage si le bénéficiaire réside dans un autre état de l'Union européenne

    (CJCE, 18/07/2006, aff.C-406/04, Gérald De Cuyper / Office national de l'emploi).

     

    Une telle règle n’est pas automatiquement contraire au principe de libre circulation et au droit de séjour dont bénéficient les ressortissants de l’Union européenne dans tout état membre de celle-ci.

     

    En l’espèce, un salarié belge travaillant en Belgique avait perdu son emploi et bénéficiait des allocations de chômage. Il avait déclaré résider en Belgique, ce qu’un contrôle réalisé par  l'Office national de l'emploi avait révélé être faux, puisqu’il résidait en France. A la suite de quoi, il avait vu ses allocations supprimées ce qu’il avait contesté en justice arguant du fait que la condition de résidence était contraire aux règles du droit communautaire.

     

    Ce raisonnement est rejeté par la Cour de Justice qui rappelle que le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres de l'Europe communautaire, n’est pas absolu. Il est soumis à des limitations et des conditions prévues par le traité et par les dispositions prises pour son application. Or le règlement  n° 1408/71 qui organise la coordination des régimes nationaux de sécurité sociale prévoit seulement deux cas dans lesquels les états sont obligés de permettre aux bénéficiaires d’une allocation de chômage de résider sur le territoire d’un autre État membre, tout en maintenant leurs droits aux allocations. Le premier cas est celui du chômeur se rendant  dans un autre État membre «pour y chercher un emploi». Le second celui du chômeur qui, au cours de son dernier emploi, résidait sur le territoire d’un autre Etat membre.

     

    Aucun de ces cas ne correspondait à la situation du requérant.

     

    Dès lors, l’état pouvait imposer une condition de résidence au maintien du droit aux prestations de chômage car une telle condition se justifiait par la nécessité de contrôler la situation des chômeurs et s’assurer qu’elle n’avait pas changé. Selon la Cour, la condition de résidence est justifiée ainsi par des  considérations objectives, d’intérêt général, et non discriminatoires car elles sont indépendantes de la nationalité des personnes concernées . De plus, ajoute la Cour, les spécificités des contrôles en matière d'allocation de chômage justifient l’imposition de mécanismes plus contraignants que ceux imposés dans le contrôle d’autres prestations.